Friday, May 30, 2014

Texas (66-24) : Las Vegas sans Las et sans S


Après Bushland, après Wildorado (promis je n’invente rien), Vega, la small Vega fait recommencer la petitesse au pays de la grandeur, de l’immense, du XXL made in USA. Le ciel qui fut si bleu se mouille un peu ; des gouttes d’eau tombent des nuages qui paraissaient si sages, si pacifiques ; les gouttes grossissent et se font plus nombreuses : elles qui tombaient par quelques-unes, c’est par bataillons, qu’elles se mettent à attaquer ; grosses comme des fourmis, leurs flic flac sont des FLIC FLAC. Mais après tout, ce n’est qu’une grosse averse, rien de bien méchant, rien en tout cas à quoi il ne suffise, puisqu’on est au Texas, de quelques instants dans un authentique saloon pour faire passer le temps, le mauvais temps qui tombe du ciel.

Une fois la voiture garée où l’on plaçait autrefois les chevaux, nous poussons la porte de bois de Boot Hill – cet établissement honnête devant lequel traînent encore un tonneau éventré et une roue de diligence du siècle avant-dernier. Dans la salle, de petites tables rondes où des gens jouent aux cartes, ou boivent un verre en discutant du mauvais temps – et, face à nous, huit cow-boys gros en chapeau et en barbe installés au comptoir se retournent en même temps sans un mot, pour voir quels trois blancs-becs viennent se joindre à leur boisson. Nous avons l’impression que nous venons d’entrer dans un film, mais tout n’est pas en noir et blanc. Tout est en bois, y compris le piano et le grincement des portes battantes (oui, celles qui reviennent sur vous si vous allez trop lentement, coyotes). La tapisserie rouge couvre les portions de mur que le miroir du comptoir ou les planches nues mal dégrossies ne recouvrent pas. Quelques têtes de cerfs ou de taureaux, empaillées, à côté des lanternes qui pendent à un morceau de métal. Je ne serais qu’à moitié étonné si un jour j’apprenais que Chuck Norris a ici ses habitudes ; nous, timidement, nous nous installons à un coin du comptoir, entre le piano et le crachoir. Sous la grande et élégante glace luky-lukéenne de derrière ce comptoir arrive alors une jeune serveuse qui, évidemment, est jolie, et fait tout mince à côté des habitués du lieu.

Dans ce monde de bières, les blancs-becs commandent pourtant une lemonade. Plaidoyer pour le chauffeur, he doesn’t drink and drive; mais ces trois jeunes font tache, parmi les Végasiens. Les conversations qui se tiennent au comptoir posent un peu le ton du lieu : ce sont des rires de voix rauques (celles qui passent à travers les poils d’une barbe mal taillée ou d’une moustache épaisse), de minces fumées de cigarettes encore autorisées dans les lieux publics (eh, c’est un saloon tout de même) et un accent à couper au revolver, un accent texan très marqué à reflets rustiques, c’est-à-dire de mots à demi avalés. Les moustaches prennent des formes plus variées que dans les États où nous en avions croisé : alors qu’au Midwest, c’était plutôt dans la barbe que s’exprimait la personnalité, elle se comprend ici beaucoup dans la moustache. Vous avez certes cette grosse moustache broussailleuse, pour le Texas des ranchs, mais n’oubliez pas non plus la moustache aux bouts plus fins, recourbés, pour les Texans des villes. Car à Vega, l’élégance se dit aussi dans le langage des poils.

Quand la pluie s’est calmée, nous descendons dans downtown Vega. Sur la vieille place du village où tout n’est que bois et couleurs, règne un silence de western en train de se faire. Les petites façades sont alignées, et reliées par leur auvent qui dessine une promenade ; sous cette promenade s’abritent quelques bancs et fauteuils à bascule, vides. Tiens, un tracteur passe en remorquant une machine agricole presque aussi grosse que lui. Les silos immenses dépassent du paysage comme des immeubles : ce sont les tours de la campagnes. Un autre dépasse : tout jaune, en forme de bonbonne, c’est le réservoir d’eau de la ville ; comme celui d’Atlanta dans l’Illinois, il ressemble à un ballon de baudruche gonflé, mais cette fois sans sourire dessiné sur le ventre. Un vieil arrêt de bus (en bois !), une vieille station-service ; des granges, un quincaillier ; un motel, une maison de trappeur ; l’étoile du Texas en métal rouillé, la table des Dix Commandements au milieu du square : voilà Vega, pleine d’Amérique ancienne et de Texas très fidèle à soi-même.




Mais c’est alors que le ciel se remet à pleuvoir.

Suffit-il, pour cela, de s’abriter sous le kiosque au milieu de l’herbe ?  Peut-on se contenter d’attendre quelques minutes que l’intempérie soit dissoute ? Un arc-en-ciel s’apprête-t-il à chasser les nuages ?


Ces nuages sont de plus en plus gros, et proviennent d’un fond gris, d’un horizon gris sombre : allons plutôt à la voiture.


Wednesday, May 28, 2014

Texas (6) : Vega


Noooooooooooon, pas Las Vegas, VEGA. Las Vegas ce sera plus loin sur la route.



Le square central, devant le tribunal.



Bâtiments qui donnent sur la place principale.



Autre côté de la place centrale, 
avec à l'arrière-plan le réservoir en forme d'épi de maïs.



Moyens de transports à Vega. 
Vous voyez, que ce n'est pas Las Vegas.



Les dix commandements gravés sur la place du village. Normal. 



Pour mémoire, je zoome un peu.



Silo derrière bâtisse de trappeur.



Les panneaux qui font croire que la 66 est encore touristique. 



Ah, le réservoir maïs, le voilà.



Vega sous ses nuages.



L'agriculture tremble devant les intempéries du Texas, 
si sévères avec elle comme avec tout le monde.



Agriculture.



Vieille station-service.



Cour.



Peut-être que si vous attendez un siècle, le bus finira par arriver.



Le ciel fronce peu à peu ses nuages : va-t-il se passer quelque chose ?



L'étoile du Texas (non, pas du Vietnam).



Une de ces cours de quincaillers pleines de bric et de broc et de brac.




 

Le Vega motel. Youpi. Grand confort.



Vega vous dit au revoir par une grange.


Friday, May 23, 2014

Texas (66-23) : Amarillo, quand tu nous tiens


             Plaines, ranchs, canyons : voilà ce qui suit Mc Lean en direction d’Amarillo, prochaine grande ville sur le chemin. Derrière la vitre, champs de maïs, qui donneraient du pop corn pour tous les cinémas de Los Angeles (je pèse mes mots) ; machines agricoles immenses, avec des bras de métal assez grands pour arroser la terre entière ; champs d’éoliennes, dont les pales dansent leur danse ronde et électrique pour faire oublier que le Texas est l’État des États-Unis qui émet le plus de gaz à effets de serre (oh, 680 milliards de kilos par an) et, s’il était un pays indépendant, le septième au monde ; ceci est une conséquence des usines au charbon du sud de l’État, et de ses industries manufacturières, et de ses camions énormes, et du bas prix de l’essence, bouh les méchants Américains. 




Quand ce ne sont pas ces champs d’électricité ou de maïs, ce sont bien sûr les ranchs, dont chacun a sa vallée, et dont je ne cesse de vous parler sans vous les décrire vraiment. On devine, derrière les barrières de métal rouillé (il paraît qu’elles furent peintes, un jour, mais je n’y crois guère !) et les fils barbelés, ces prairies immenses où courent les maigres canyons pour craqueler le sol de la végétation sèche ; mais si vous les suivez, ces barrières, vous trouverez peut-être leur entrée, leur porche surmonté de crâne de bêtes à cornes ayant fini en steak ou en meatballs. C’est vers là que mènent en fait, de nos jours, les frontage roads : on a gardé la vieille 66 pour pouvoir entrer dans les ranchs sans prendre une sortie d’autoroute, sans avoir à partager la chaussée avec les camionnissimes qui sillonnent de manière ininterrompue le freeway.

Ces porches de ranchs aux trophées cornus s’ouvrent sur des pistes de terre ; celles-ci mènent à l’entrée des ranchs proprement dits ; elles conduisent le fermier à sa maison de bois en haut de la colline. Ces maisons de bois, ces bâtisses ont leurs planches de peinture décrépite, n’est-ce pas charmant et pittoresque. Leur colline est à peu près la seule du terrain ; elle permet, par la fenêtre à guillotine (aïe !), d’embrasser d’un seul regard ses vaches et son héritage terrien. L’éleveur de bêtes frotte alors la moustache qui pousse sous son chapeau de western ; il tire sur la pipe qui souffle un filet de fumée dans sa demeure, pleine d’odeurs du sud des États-Unis, d’années en 1860 et de musique country arpégée sur une guitare un soir plein d’étoiles. Il est plein de la mélancolie lonesome cow-boy de son époque passée qui est ici encore présente.

Mais nous, sans nous arrêter, nous continuons de suivre le frontage road qui nous épargne les monstres, ces camions du freeway. Au Texas comme ailleurs aux States, ils ont deux grands pots d’échappement sur la tête, comme deux grandes oreilles, ou plutôt comme deux grandes cornes, et ce ne sont pas celles de Moïse ; leurs phares sont autant d’yeux sur leur face et le radiateur leur est un museau démesuré. Vous n’avez pas entendu leur grognement, ni senti leur haleine de fumée. Dans un accident, ils seraient impitoyables pour la Twingo qu’ils ne rencontreront heureusement jamais, ou même pour de nombreuses autres voitures. Même si les voies sont bien plus larges qu’en Europe et que, du coup, on n’est jamais déporté par les appels d’air, il est bien agréable de contempler ces camions de loin, de côté, ou même de ne pas les contempler du tout.

Tout le long du chemin, les poteaux de bois tendent leurs bras pour porter le chemin de la fée (électricité). Ils se succèdent, debout, jusqu’au fond de l’étendue immense des ranchs et des champs, c’est-à-dire à perte de vue. Ils dessinent dans un quasi désert (aux grains de maïs près) des parcours défiant les road-trippers qui les aperçoivent, pensifs.

Les nuages du Texas, au-dessus, clairs comme le bleu du ciel, pénétrés de lumière, sont non seulement fidèles au beau temps de l’été, mais ont aussi, clin d’œil de la météo, la forme des chapeaux que portent ici les hommes.

            Au milieu des champs, qu’on pourrait croire monotones et dénués de tout surréalisme, apparaît soudain une croix, blanche, plus haute que la statue de la Liberté sans son socle : c’est la fameuse croix de Groom, ce village de moins de 600 habitants. Elle fut érigée en 1995 et comprend 19 étages, parce que « tout est possible pour ceux qui croient. » Cependant, je n’ai pas réussi à savoir de quelle église elle dépendait, si tant est qu’elle en dépend d’une.

De loin, de moins en moins loin, nous apercevons une agglomération, qui semble grande, étendue, industrielle – « the yellow rose of Texas, » comme chanta Gene Autry et comme le nom d’Amarillo l’indique en espagnol. C’est vers elle que va la Route et c’est la Route, sans doute, qui fit aussi sa fortune et lui permit de se développer. Voici nos premiers lieux industriels du Texas, quoique le Nord de l’État le soit moins, bien moins que le Sud. Quelques silos gigantesques indiquent que c’est Amarillo qui pompe toute l’agriculture de la région. Le petit aéroport de la ville nous impose un contournement qui retarde notre immersion dans le béton, les briques, les fumées et les camions. Non loin, le fameux Cadillac ranch : en 1974, Chip Lord, Hudson Marquez et Doug Michels plantèrent 10 Cadillac des années 50 et 60 le nez dans le sol, avec l’inclination de la pyramide de Kheops. Les voitures sont toujours là, et les passants sont encouragés à les taguer, à les colorer, à peindre leurs graffiti en toutes couleurs. 

Nous n’avons pas pris de photos d’Amarillo. Le centre-ville (le downtown) ne paraissait pas si fourni en buildings que celui de Tulsa. Amarillo semble étendu, mais aussi plat. Nous n’avons pas saisi d’autre intérêt que d’y pomper un peu d’essence pour notre Chrysler, qui faisait pâle figure à côté des trucks (ah si, justement, une photo : un truck monumental, avec des roues de tracteur, des suspensions de 4X4 XXXL, et une échelle nécessaire pour monter jusqu’à la portière, sponsorisé par les Bulls et la Budweiser : de quoi franchir les moindres et les pas moindres fissures de terrain, et prendre deux places à la fois sur les parkings). Notre Route traverse une ville où les usines, les ateliers, les entreprises cachent de leur grisaille et de leur étendue les quelques quartiers sympathiques de la ville, auxquels il est du reste difficile de croire ; tout est un quadrillage parfait de rues ; la 66 est le seul reste intéressant de cette agglomération caractérisée aussi par ses mauvaises odeurs (s’il est vrai qu’elle est bien mauvaise, l’odeur des pots d’échappement, de l’engrais et d’autres produits dont la nature est plus difficile à déterminer). Au milieu de ce mélange de gris et de noir, un tronçon de la Route a été conservé où nous aurions peut-être dû nous arrêter : bordé de vieux cafés et motels du milieu du siècle passé, tout de bois colorés, aux formes de western, couverts de vieilles enseignes électriques boutonneuses de dizaines d’ampoules clignotantes ; cette rue traverse les années 50 pour arriver aux 60’s – on s’y croirait en Cadillac. Mais c’est vers la petite Vega, un brin plus mystérieuse, que nous mènent les tours de roues de Denise.



Wednesday, May 21, 2014

Texas (5) : Plaines, ranchs, canyons


Paysages du Texas du Nord.



Sommeil des nuages hors du ciel. Quand reviendront-ils, ces paresseux ?



Le Texas est beaucoup plus vert qu'on ne le croit; c'est parce qu'on l'associe trop souvent aux paysages de cow-boys pris en Californie ou en Arizona.



Le frontage road s'enfonce dans le creux des demi-vallons.



Ces silos énormes contiennent des plaines entières de blé et de maïs.



Un building de maïs. 



La fameuse croix au milieu des champs. 
Plus haute que la statue de la liberté ! (sans le socle)



Voilà le genre de véhicules que conduisent les Texans. 



Oh, le ciel se couvre.



Vers quelles intempéries la Route nous mène-t-elle ?...


Friday, May 16, 2014

Texas (4) : Mc Lean II


Ah! Voici un autre McLean, plus désolé encore. 



Station-service - propriétaires : le passé, l'histoire, le jamais-plus.



Sait-on si quelqu'un vit encore ici ?



Ceci est (fut) une église.
Vous avez les horaires de messes sur la droite. 



Des horaires de messe pour une autre église. 
Ah oui, parce qu'il n'y a presque personne, 
mais tous les courants du protestantisme sont représentés.



Dieu et la route 66 : curieuse alliance de concepts (un lien avec le livre de l'Exode?). 



Le pick-up, la maison individuelle.



Désolation.



Un garage, encore en activité.



Fresques à demi sauvages.



Pré à la sortie de McLean. L'endroit stridule de rattlesnakes, 
dits serpents à sonnettes, je crois, en français.



Les serpents à sonnettes. 
Dring dring.



Toujours dans le pré de rattlesnakes.



Maison abandonnée au beau milieu des rattlesnakes.



Garagiste fermé pour presque toujours.



Maisons de McLean près de rattlesnakes.



Le motel abandonné de McLean.



Des tonnes de fantômes y dorment encore tous les soirs.



Les herbes, garées sur les parkings.



La carte du Texas, reproduite en béton.



Revenons au pré des rattlesnakes.



Le Lion's club de McLean y a érigé son emblème.



Un lit de rivière, où plus aucun cours d'eau ne dort.



Attention, suivez la pub, elle se compose de plusieurs panneaux, de façon à ce que vous puissiez la suivre sur la route en conduisant ... (1)



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(6) : achetez Burma Shave.



Chaussures dans les arbres. Tout est normal, en Amérique.



Sol sec.



Herbes, briques, terre, sécheresse : quelques ingrédients de McLean.



Maison paisible de McLean (aux rattle snakes près).



Cette rue mène à la partie résidentielle de McLean.



Sta... d'accord, vous avez compris.



Un réservoir, jumeau du premier. 


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