Friday, April 25, 2014

Oklahoma (66-21) : Une panne pour le Texas ?


De grandes portions de la route 66 en Oklahoma sont des plaques de béton accolées les unes aux autres qui font résonner les pneus à chaque passage (boum, boum, etc.). Cette voirie à la fois systématique et archaïque court le long du moderne freeway qui remplace la vieille route pour tous, sauf pour les aventuriers que nous fûmes : on appelle frontage road ces moments où la Route 66 jouxte l’autoroute en ne la traversant que de temps à autre. Et, comme dans tous les États des États-Unis qui sont à la fois vides et immenses, ce frontage road vous mène tout droit, sur des miles et des miles : c’est à bénir le pilotage automatique, bien inutile dans l’Europe des virages. Heureusement, les inégalités d’altitude suscitées par la variation des quelques collines fournissent, non pas une attraction digne d’un grand huit, mais du moins quelque variété au fond d’un long ennui.

Cependant, dans ces paysages soporifiques de champs et de plaines saupoudrées d’activités industrielles : une peur, soudaine, qui nous arrache violemment à notre marasme – le gentil petit voyant du réservoir s’allume orange. Oh, ce n’est pas grave, après tout, nous sommes au milieu de rien, personne pour venir nous remorquer, aucune station-service à de nombreux miles à la ronde, aucune voiture qui fréquente la même route que nous, l’impossibilité de rentrer à pieds et l’absence totale de nourriture dans nos réserves –sinon quelques Mc ‘n Cheese sans eau, un fond de sac de cacahuètes et un reste de céréales corn flakes. Apparemment, l’ennui, dans ces étendues immenses, avait endormi jusqu’à notre vigilance, et cette drôle crainte de panne sèche était venue jusque dans la solitude de notre trio nous taquiner.

On avance, sagement, tout doucement pour économiser au maximum le gas (alias la gazoline), à 3,70 dollars le gallon mais dans ces moments-là tellement plus précieux qu’un simple carburant, et on finit par arriver, tout est bien qui finit bien, dans le lieu, la station, l’oasis de pétrole où notre chameau peut s’abreuver, remplir sa bosse de l’eau irisée qui lui fait en principe tirer tant de miles et de kilomètres de son moteur.

Calumet, Clinton, et nous avançons, nous le savons, vers le village de la frontière, qui nous libèrera, nous, d’un pays assez stérile, et vous, de paragraphes inintéressants sur un État ennuyeux que nous avons traversé au plus vite, dans la mesure où ses dimensions le permettaient.

D’ailleurs, la fin de l’Oklahoma n’a plus grand chose à voir avec l’Oklahoma, et l’Oklahoma commence à être beau lorsqu’il finit de ressembler à l’Oklahoma - c’est-à-dire quand on arrive au voisinage du Texas. La terre rougit, la végétation est celle, peu à peu, de climats plus secs, moins abondante ; les bras des poteaux électriques (du télégraphe ?) tendent leurs longs fils au-dessus de tout cela.

         On le sent, on est sorti du vert Midwest. On a échappé, aussi, à sa platitude. Les premiers ranchs dressent leur porche de bois à l’entrée d’un champ dont on ne voit pas l’autre extrémité. Sur une camionnette des années 50 ou 60 (je laisse aux connaisseurs le soin de me contredire), carrosserie tout arrondie, vert amande et blanc crème avec un coffre ouvert garni de planches, on a peint : White Dog – « come for the view, stay for the food ! »

Cette zone, pleine du charme du pré-Texas qu’elle est, appelons-la Mexicoma, comme dans la chanson du même titre de Tim McGraw qui en rend très bien l’esprit (encore ce talent actuel des Okies pour la musique country).

Nos photos vous montreront des insectes disproportionnés, des camions colossaux et des horizons sans fin, signes annonciateurs du Texas, terre d’épopée et de grands mythes, une des âmes des États-Unis d’Amérique dans leur sens le plus profond et le plus authentique des termes, dont la conquête allait commencer, pour nous, dans la petitesse de la demi-bourgade oubliée, presque abandonnée, de Texola.


                   Texola !…




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