L’Oklahoma
continue ; c’est à peu près tout ce qu’il fait et ses paysages, ses
habitants ne nous étonnent pas comme l’Illinois ou les États simplement
survolés en avion. Avant d’arriver à Tulsa (la Toulouse locale !), on
perce les champs à coups de route et de peu de volant, tant tout est droit,
rectiligne, monotone presque.
Oh !
que là des champs, des champs, des champs, champs, des champs, quelques bois,
des lacs au loin. Des champs, champs, champs, champs sans le charme
indescriptible et tacite du Kansas ni les sourires verts du Missouri. On croit
voir des arrière-plans de la publicité McDonald’s, quand il s’agit de vous
faire croire aux meules dont est censé sortir le pain de mie qu’on vous y vend,
moins cher qu’une tortilla et coloré de ketchup. McDonald’s, justement, a sur
notre chemin l’un de ses lieux mythiques, une de ses étapes de pèlerinage (s’il
est vrai qu’on en fait pour se repentir des Big Mac), de ses monuments historiques
ou de ses lieux de mémoire. Le lieu de Vinita abrite un restaurant qui
longtemps porta le titre de (retenez votre souffle) « plus grand McDonald
du monde ». En réalité, ses 2700 mètres carrés sont loin d’avoir été
dédiés à l’accueil des clients et la principale caractéristique qui distingue
l’établissement est qu’il se situe au-dessus d’une autoroute, ce qui vous
permet, si la frite, si le coca vous ennuient, de jeter un regard désabusé sur
la fuite des hommes à travers le paysages dans les voitures qui passent sous
votre siège et sous votre plateau. Pour information, le plus grand McDo du
monde se trouve désormais à Orlando, en Floride : l’Amérique a détrôné
l’Amérique, la Floride vaincu l’Oklahoma – comme si la lutte inégale entre
Miami et Miami devait se poursuivre encore sur d’autres champs, de bataille.
A-t-on rien d’autre à faire en Oklahoma que des chaînes de fast-food ?
Eh bien, la
ville de Tulsa serait presque tentée de vous répondre oui. Tulsa, c’est tout ce
que l’Oklahoma a de charmant (I’m loving it). Tulsa, c’est amusant, est
un peu d’Amérique profonde et de charme d’anciens bâtiments, oui, c’est un peu
le Chicago de l’Oklahoma.
Tulsa
s’entoure, naturellement, d’une insipide banlieue qu’il faut d’abord franchir
avant de trouver son centre historique. Une fois arrivé à ce centre, on se
dit : tout de même. Ce sont quelques édifices de la fin du XIXe siècle, du
début du XXe. Des églises ; quelque chose comme un opéra, ou qui en a du
moins la grandeur ; de l’Art Déco des années 20 pour certains immeubles,
certaines boutiques ; des buildings contemporains de verre pour les
banques et les assurances. Un peu de grandeur américaine, en somme, et pas
désagréable : une bonne raison de se garer illégalement sur un parking
pour aller faire un tour.
Échapperons-nous
alors au tow-away, qui correspond grosso modo en France à notre mise
en fourrière, mais qui se pratique bien plus volontiers de ce côté de
l’Atlantique ? Jeu dangereux ici, auquel mieux vaut ne pas jouer, mais que
le destin ne nous infligea pas cette fois de perdre, fort heureusement.
En fait, le
parking central de Tulsa était gratuit, mais réservé aux fidèles de la
cathédrale. La Holy Family Cathedral n’est pas laide, du reste, et
prouve que la mother road passe aussi devant une mother church.
Faute de pouvoir entrer par la porte principale, nous entrons par une porte
latérale, près d’un jardinet, qui nous mène en fait dans une crypte et des
couloirs de presbytère, où le premier objet sur lequel nous tombons (ou du
moins celui qui nous marqua le plus, entre les portraits d’évêques, de
chapelains et de cardinaux), est un distributeur de canettes de coca (Oklahoma,
quand tu nous tiens).
N’ayant pas
trouvé réellement ce que nous cherchions, sinon quelques surprises pour notre
curiosité, nous sortons, pour voir un peu mieux sa façade étonnante de briques
et d’ardoises, tenant toujours depuis son XIXe siècle finissant, quoique
détrôné, comme plus haut bâtiment de la ville, par de nombreux autres depuis
1923, dont certains, laïcs, ne se gênent pas pour lui faire de l’ombre.
Tulsa, en
fait, s’est largement enrichie par le pétrole, dont elle fut la « capitale
mondiale » pendant une grande partie du XXe siècle. C’est ainsi que Cyrus
Avery, homme d’affaires de la ville, décida, un jour de l’an de grâce 1927, de
se lancer dans le projet de construction d’une grande route Celle-ci reprenait
la voie reliant Amarillo à Tulsa, pour les dépasser, jusqu’à Chicago à l’Est et
jusque L.A. du côté Ouest. De là le surnom de Cyrus, « Father
of Route 66 », ou père le la mère route.
Nous, nous
nous offrions une promenade dans notre première grande ville depuis St-Louis au
Missouri, c’est-à-dire depuis quelques jours.
Tulsa, ce
sont des formes plus hautes que les formes, des élévations diverses qui
rivalisent dans des couleurs blanches, brunes, grises mais assez élégantes, les
architectures de différentes époques, et des rues larges bien moins remplies
que celles de Manhattan. Quelques arbres, des briques plus qu’ailleurs quand
c’est si haut, de vieux hôtels, quelques voitures neuves. Rien de très
extraordinaire pour quelqu’un qui vient de Chicago, si ce n’est qu’on est loin
de Chicago. Je vous invite à poursuivre la visite d’une manière plus concrète
sur les photos que nous avons prises ou à partir des belles perspectives
qu’offre la technologie industrieuse de Google Earth (grâce à qui je me rends
compte que le centre-ville contient au moins cinq grandes églises de
confessions différentes : Holy Family Cathedral, First United Methodist
Church, First Baptist Church, Boston avenue United Methodist Church, et une
dernière très jolie dont je ne retrouve plus le nom. Ces églises se situent
parfois presque l’une face à l’autre. D’ailleurs, un carillon nous salue avec
l’hymne européen, avec cette particularité qu’incapable de jouer deux fois de
suite la même note, le clocher joue à l’octave chaque note redoublée sur la
partition … d’où une apparence, au premier coup d’oreille, un peu dissonante.
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